Archives pour la catégorie higher category theory

la métaphysique de Paul Decoster et la science

« La métaphysique de Paul Decoster et la science » est un livre datant de 1937 de Marie Anne Choquet qui est aussi l’auteur d’un petit bijou sur « La conversion spirituelle dans la philosophie de Léon Brunschvicg » dont j’ai extrait ce passage :

http://meditationesdeprimaphilosophia.wordpress.com/la-conversion-spirituelle/

Paul Decoster est un philosophe belge (comme Marie Anne Choquet) qui a vécu à peu près à la même période que Brunschvicg : né en 1886 et mort en 1939, il a subi l’influence de Lagneau et a donné une version plus « métaphysique » et accordant moins d’importance à la science de la philosophie réflexive qui est celle de Spinoza et Brunschvicg.

Une note de Decoster figure cependant en appendice au livre de M A Choquet où il reconnaît qu’à la suite de la lecture du « Nouvel esprit scientifique » de Gaston Bachelard, il serait prêt à reconsidérer certaines de ses thèses de « L’unité métaphysique » où il ravalait la science au domaine « subalterne » de l’opnion :

« la physique nouvelle est tout à la fois une dialectique et une algèbre, ou mieux encore une dialectique de moments algébriques »

Il caractérise de la manière suivante sa démarcation d’avec l’idéalisme de Brunschvicg :

« Il faut souligner la différence de degré, plutôt que de nature, qui sépare l’expérience et la dialectique physiques de l’expérience et de la dialectique métaphysiques…ces deux dernières remontent à la source d’une procession originaire, .. seule est licite à mes yeux , j’y insiste, une conversion consécutive à cette procession fondamentale. C’est en quoi ma doctrine se distingue le mieux de l’idéalisme brunschvicgien »

or ne peut on pas décrire l’immédiate médiation de Decoster comme une sorte de foncteur qui serait un peu comme notre élément neutre reliant élément savoir (pensée) et élément être (étendue), et d’ailleurs le couple procession-conversion ne fait il pas penser à une adjonction ?

On doit sans doute profondément regretter que Decoster soit disparu si jeune, car si Brunschvicg était trop âgé pour qu’un dialogue puisse s’instaurer même s’il avait vécu après 1945, il restait son élève µBachelard qui a vécu jusqu’en 1962.

Et je suis persuadé que les « problèmes actuels » de la France s’expliquent à la racine par la fait que l’intelligentsia d’après 1945 a choisi la philosophie de Sartre et ignoré celle de Bachelard, qui était le continuateur de Brunschvicg.

Marie Anne Choquet souligne en tout cas que la « révolution copernicienne de l’abstraction » de Bachelard rencontre à chaque détour avec la métaphysique decostérienne.

Mais elle le fait dans une optique brunschvicgienne que je ne peux que partager :

« l’homme apprendra qu’il est lui même l’ouvrier du continu et du déterminisme »

quant à la métaphysique, elle est restée « encombrée, durant des siècles, par une théologie aussi impérative que paralysante », ce qui a causé la rupture entre l’opération intellectuelle pure (que permet de retrouver la dialectique ascendante de Decoster qui rejoint celle de Platon aux livres VI et VII de la République ou dans le discours de Diotime dans le Banquet) et les opérations scientifiques qui l’expriment dans le domaine de l’expérience.

Expérience qui, comme le montre Bachelard, est maintenant produite par l’abstraction rationnelle..

La « dialectique des moments algébriques » est à mon avis, ou trouve son cadre réel, dans la théorie des catégories étudiée ici, que ne pouvaient pas connaître hélas Brusnchvicg, Bachelard, ni Choquet ni Decoster  !

Ensembles simpliciaux et globulaires

La triade fondamentale de la philosophie, telle que Wronski la définit d’après Schelling :
élément-être , élément-savoir et élément neutre nous conduit immédiatement à des foncteurs d’un type bien particulier et connus en théorie des catégories sous le nom de faisceaux ou préfaisceaux.

Si l’élément neutre est comme nous l’avons proposé de nature fonctorielle entre une catégorie quelconque C pour l’élément savoir et la catégories ENS des ensembles pour l’élément être, domaine du multiple pur sans structure, alors nous obtiendrons un foncteur :

F : C —————-> ENS

qui est appelé un préfaisceau sur C
En fait les préfaisceaux sont généralement les foncteurs contravariants :

C-op —————> ENS

où C-op est la categorie opposée de C, obtenue en renversant le sens des flèches

Ces foncteurs s’organisent en une catégorie des préfaisceaux sur C : les morphismes entre deux foncteurs sont les transformations naturelles, voir :

Transformations naturelles

Or il existe deux exemples omniprésents de tels préfaisceaux:

Les ensembles simpliciaux , intervenant notamment en théorie de l’homotopie, qui sont obtenus en prenant pour C la catégories Delta des ordinaux , voir :

ensembles simpliciaux

et les ensembles globulaires en prenant la catégorie des globes qui a pour objets comme Delta les entiers naturels mais des morphismes un peu plus compliqués, voir:

ensembles globulaires

Le livre « Simplicial homotopy theory » sur la théorie catégorique de l’homotopie est ici :

Simplicial homotopy theory

ou voir :

https://tractatustoposophicus.wordpress.com/?attachment_id=68

Louis Crane : categorical geometry and mathematical foundations of quantum general relativity

Comme tout ce que fait Louis Crane cet article est extrêmement important du point de vue des travaux menés ici :

Louis Crane : categorical geometry

 tellement il offre comme une cascade ou une explosion de thèmes de recherches.; d’ailleurs cette importance, surtout dans le panorama synthétique offert, n’a pas échappé aux physiciens :

http://www.physicsforums.com/showthread.php?t=113145

Crane a à mon avis raison d’affirmer que la solution aux problèmes gigantesques que rencontre la physique se trouve dans un recours plus important aux mathématiques, et non en un « retour au réel physique » ou je ne sais quoi encore.

L’article explore à la fois la piste des n-catégories et celle de la théorie des topoi.

Le langage des catégories apparaît comme naturel en physique quantique, bien qu’il ne soit pas (encore) familier à bien des physiciens, tout simplement parce qu’il est au coeur des graphes de Feynman et de ce que l’auteur appelle « feynmanologie », qui renvoie aux catégories tensorielles, c’est à dire aux catégories munies d’un produit tensoriel entre objets et morphismes.

La théorie des topos a son origine dans les travaux (encore insuffisamment explorés et compris) d’Alexandre Grothendieck d’où deux sortes de théories : soit les topoi comme univers d’ensembles généralisés, c’est à dire des catégories « se comportant » en gros comme la catégorie ENS des ensembles, premeir exemple de topos, soit ce que l’on appelle « topos de Grothendieck » , c’est à dire une catégorie des préfaisceaux d’un site C , une catégorie de foncteurs de forme :

C ———-> ENS

Exemples de sites : la catégorie des « ouverts » d’un espace topologique (avec une flèche entre deux ouverts A et B si A est contenu dans B), ou bien le site des « espaces analytiques » qui fonde ce que l’on appelle la géométrie différentielle synthétique, qui permet de traiter les infinitésimaux dans certains objets d’un topos, de manière bien plus satisfaisante.

Les n-catégories, ou « catégories supérieures » :

https://tractatustoposophicus.wordpress.com/2012/11/16/les-categories-superieures-higher-category-theory/

peuvent aussi être vues comme généralisations de la notion d’espace, notamment à travers les complexes simpliciaux : les objets sont les sommets du complexe, les 1-morphismes sont les arêtes (edges), les 2 -morphismes les triangles, etc..

Une jonction de l’approche par les topoi et par les n-catégories se trouve réalisée dans la théorie des champs (« stacks ») qui fut le dernier domaine d’explorations de Grothendieck dans « Pursuing stacks » :

http://ncatlab.org/nlab/show/Pursuing+Stacks

dont les origines sont étudiées ici :

http://pages.bangor.ac.uk/~mas010/pstacks.htm

après quoi viennent « Les dérivateurs » :

http://ncatlab.org/nlab/show/Les+D%C3%A9rivateurs

Un champ (« stack ») est l’analogue en théorie des 2-catégories des préfaisceaux sur un site; parallèlement la version 2-catégorique d’un topos est appelée un « cosmos », c’est une 2-catégorie « se comportant » de la même manière que la 2-catégorie des « petites » catégories (de même que les topoi sont des 1-catégories se comportant de la même manière que la catégorie des ensembles).

Voir :

https://tractatustoposophicus.wordpress.com/?attachment_id=75

« Cosmoi of internal categories »

les catégories supérieures (higher category theory)

le paradis que créent et développent pour nous autres des gens comme John Baez, David Corfield, Urs Schreiber et d’autres, c’est celui des n-catégories et des n-topoi, dites « catégories supérieures ».

C’est le domaine qui sera principalement défriché ici, sans vouloir rivaliser bien sûr avec les blogs scientifiques dont on trouve une liste ici en liens (et où l’on trouve aussi la liste des « hosts », les créateurs de notre paradis bien au dessus, à mon avis, du paradis cantorien):

http://golem.ph.utexas.edu/category/

pourquoi ?

d’abord parce que c’est un domaine mathématique en pleine expansion, où il se passe tous les jours quelque chose, et où très peu est encore découvert et connu : une sorte de nouveau Far West pour les gens « complètement à l’Ouest » !

et ça c’est vraiment fascinant !

mais encore, et surtout, parce que cela répond à notre schéma philosophique de départ :

https://tractatustoposophicus.wordpress.com/2012/11/13/ens-et-unum-non-convertuntur/

Une 0-catégorie c’est un ensemble : il n’y a que des éléments, sans morphismes pour les relier.

Il n’y a pas de « structure », ou alors la structure minimale qu’est ce que Badiou nomme le « compte-pour-un » : en amont se trouve la multiplicité pure, « inconsistante » de Cantor, en aval la multiplicité réglée par la loi du compte-pour-un, et qui forme UN ensemble.

Lawvere et Rosebrugh, dans « Sets for mathematics », parlent d’un « ensemble abstrait » (abstract sets) comme une collection non structurée de « points » eux mêmes sans structure.

C’est, pour nous et selon notre lecture de Badiou, le domaine théorique des multiplicités pures, soit selon Badiou l’ontologie : l’Etre, en tout cas l’être-dont-on-parle (et Kojève disait : « on ne peut parler que de l’être-dont-on-parle ») c’est le multiple pur, multiple de multiples de multiples etc…

Une 1-catégorie c’est une catégorie : les objets , dont la collection forme un ensemble ou une « classe » si elle est « trop grande » pour échapper au paradoxe de Russell et former un ensemble, sont reliés par des morphismes, qui sont les 1-morphismes, morphismes ou glèches de niveau 1 .

Une 2-catégorie c’est une catégorie dont les 1-morphismes sont reliés à leur tour par des 2-morphismes…

etc..etc..

Cela semble simple, mais l’on se heurte très vite à des problèmes gigantesques !

Ne peut on pas voir dans cette échelle des catégories supérieures qui monte jusqu’au ciel, jusqu »à l’Infini, jusqu’aux ∞-catégories, la constitution progressive de ce que Brunschvicg appelait « un réseau de plus en plus dense d’équations » (les équations deviennent des isomorphismes et des morphismes) qu’il fixait pour tâches aux savants, ou encore ce que Lautman appelait « montée vers l’Absolu » ?

bref la « constitution » de l’Un-qui-n’est-pas ?

la carte du nouveau pâradigme, ou nouveau paradis, c’est le nLAB :

http://ncatlab.org/nlab/show/HomePage

et la page des catégories supérieures est ici :

http://ncatlab.org/nlab/show/higher+category+theory

on entre dans le paradis par où l’on veut, on en sort de même…pourquoi ne pas commencer par la page sur les k-morphismes, reliant les (k-1)-morphismes, qui relient eux même les (k-2)-morphismes etc…etc..?

cela semble si simple !

oui mais si l’on ouvre la page :

http://ncatlab.org/nlab/show/k-morphism

on se trouve confronté immédiatement à une complexité déroutante, celle des formes (shapes) de modèles pris pour ces catégories supérieures : il y a les modèles géométriques, qui conduisent à tout un ensemble de formes (shapes) différentes :

http://ncatlab.org/nlab/show/geometric+shape+for+higher+structures

http://ncatlab.org/nlab/show/geometric+definition+of+higher+categories

et il y a les modèles algébriques :

« Many notions of algebraic higher category, such as those due to Batanin, Leinster, Penon, and Trimble, are algebras over certain monads acting on globular sets… »

comment s’orienter « en ce jardin » (GAN EDEN) où poussent toutes sortes d’arbres ?

car aucun interdit transcendant ne vient pour nous dire : « de cet arbre ci vous ne mangerez pas ou alors…. »

Voulant sortir du « milieu de la forêt » dont parle Descartes (la forêt de la condition humaine, des pulsions vitales égoïstes, à commencer par la préoccupation du « salut individuel » qui revient à tourner le dos à Dieu comme nous en prévient Brunschvicg) il semble que nous soyions en train d’entrer en une « forêt » encore plus inextricable.

https://tractatustoposophicus.wordpress.com/2012/11/15/descartes-dans-le-milieu-dune-foret/

Seulement ici, nous possédons un « fil », une boussole pour nous orienter : une préconnaissance (aussi limitée soit elle) des mathématiques, mais surtout la raison universelle qui est en chacun de nous, et qui est en « prise directe » sur les « êtres » (mathématiques)  dont nous nous occupons désormais après avoir abandonné les « choses » et les « étants » naturels