Fear and Desire de Stanley Kubrick : un chef d’oeuvre ABSOLU

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fear_and_Desire

Il s’agit du premier long métrage de Kubrick, tourné en 1952 et sorti en 1953; un film qui avait été complètement oublié , on en a heureusement retrouvé une copie en bon état et un DVD est sorti cette année. Le film vient de sortir dans les salles françaises.

Tous les grands thèmes de Kubrick sont là : solitude de l’homme moderne, angoisse, déréliction , inanité de l’amour (hommes et femmes ne peuvent que se déchirer chez Kubrick), danger omniprésent de la folie et de la psychopathologie, obsession de la mort , absurdité de la vie et de l’existence, etc…

d’ailleurs il y a un article intéressant sur les psychopathes qui peuplent le cinéma de Kubrick :

http://www.gordonbanks.com/gordon/pubs/kubricks.html

J’avais dit ailleurs que je n’aime pas certains traits de Kubrick, je lui reproche d’avoir enfermé l’humanité soumise à l’influence de son oeuvre dans le désespoir et le nihilisme, et d’y avoir pris un certain plaisir…mais il s’agit évidemment de l’un, sans doute du plus grand génie du cinéma  occidental, d’ailleurs il y a un signe qui ne trompe pas : quand il s’est agi de monter une propagande à base de « théories du complot » pour nier que les astronautes américains de 1969 et des années suivantes soient réellement allés dans la Lune, c’est à Kubrick que l’on a pensé pour prétendre qu’il avait réalisé le « fake » montrant les hommes sautillant sur la Lune.. pas à un autre !

le même genre de public voit dans son dernier film « Eyes wide shut » un film prenant pour thème les Illuminati et sociétés secrètes qui contrôleraient le monde !

comparons ses films avec deux autres réalisateurs hollywoodiens d’origine juive : Sidney Lumet et les frères Coen (ça fait donc trois, mais les frères Coen peuvent être considérés comme un seul réalisateur en deux personnes).

D’un point de vue moral (mais l’art doit il être moral ?)  je préfère nettement le cinéma de Lumet, qui est tout autant un grand cinéma (comme celui des Minnelli et Preminger ou Wilder ) : l’homme y est montré en lutte contre ses propres tendances orientées vers le mal, mais surtout contre la corruption, la lâcheté et le mensonge, que l’on pense à ce chef d’oeuvre de jeunesse qu’est « 12 hommes en colère », ou à ce film plus tardif (1982) qu’est « Verdict » où Paul Newman joue le rôle d’un avocat alcoolique qui mène un combat pour la vérité.

Cela dit cela se termine , dans son dernier film « Before the devil knows you are dead », dans le désespoir absolu aussi et l’horreur de l’Amérique moderne…50 ans après les « 12 hommes en colère » tout souci de vérité a disparu chez les personnages qui sont comme « écrasés » par leur destin, sans possibilité de comprendre ce qui leur arrive et donc de l’éviter :

http://www.blogg.org/blog-64760-billet-sidney_lumet___7h_58_ce_samedi_la__before_the_devil_knows_you_re_dead_-677706.html

Il n’y a pas dans le cinéma (excellent et décapant, certes) des frères Coen ce souci de la lutte pour la vérité et le bien qui est quand même la marque de l’homme vraiment humain (qui n’est pas homo credulus-religiosus, ni homo faber).. ainsi prenons leur film sur le judaïsme américain qui aurait pu , et dû, prendre pour thème la vérité (thème juif et chrétien AUSSI, et pas sur le modèle du pernicieux « La vérité si je mens ») … à quoi aboutit ce film ? au fait que nous ne savons rien de nous même ni du monde (hormis pour le manipuler par la science) !

http://leserpentvert.wordpress.com/2010/01/27/a-serious-man/

enfin il est vrai que le personnage central du film, le professeur de physique, lutte contre ses tentations de vol et de trucage.

Mais le cinéma de Kubrick plane évidemment au dessus; au fond, tout le sens métaphysique sur la condition humaine (désespérant) réside déjà dans « Fear and Desire » où les quatre militaires sont perdus dans une « forêt » qui comme celle de Dante ou de Descartes symbolise la situation de l’homme non encore « informé » par la philosophie.

Et ce qui rend ce film à petit budget encore plus admirable à mes yeux, c’est qu’il évite les « complaisances » dans la peinture du Mal qui est la marque du génie des films suivants. Pas de fioritures, simplement la netteté dans la peinture de notre situation sur cette « île des condamnés » qu’est la planète Terre (pour faire allusion à un autre désespéré, Stig Dagerman, qui lui a été jusqu’au bout et s’est suicidé).

On pourrait dire que sa « vertu » est de faire prendre conscience au spectateur de l’absurdité de sa condition d’homme s’il se contente de rester enfermé dans son individualité, c’est à dire son animalité (pourvue de la technique) : condition qui consiste à osciller entre une crainte de perdre une vie pourtant absurde , et le désir (sexuel) de la transmettre mêlé à l’espoir  toujours détrompé d’être « aimé » et « reconnu » par la femme.

Un souci de vérité quand même donc, même s’il ne s’agit que de ces « premières vagues » dont Herman Melville disait :

« O toi ! malheureux à qui la vérité, en ses premières vagues, n’apporte que des épaves! »

pour les vagues suivantes, il faudra s’adresser à la philosophie : Descartes, Malebranche, Spinoza, Brusnchvicg, et à la science.

Car il n’est pas vrai de dire , comme le fait le professeur de physique quantique dans « A serious man » , que « nous ne pouvons rien savoir ».